Palestine : mission de formation à l'échographie gynécologique et obstétricale à Naplouse
La mission de formation à l'échographie gynécologique et obstétricale, fruit de la collaboration entre HD et GSF, se poursuit dans le dispensaire de la Vieille Ville. Nora Alloy, gynécologue, et Sabine De Marne, sage femme, nous adressent le récit d'une journée de consultations et de rencontres.
Très vivant, ce témoignage rend parfaitement compte des nombreuses données à considérer lors de la mise en place d'un nouveau service au sein d'un système de soins et de traditions culturelles très spécifiques.
''Nous avons de bonnes raisons de nous réjouir. La patiente que nous avions reçue le premier jour et qui ne souhaitait pas être examinée est revenue nous voir quarante-huit heures plus tard. Le temps de la réflexion, probablement. Elle nous explique qu'elle accepte d'être examinée et nous sortons toutes de la salle d'examen afin qu'elle se prépare. C'est une victoire, d'autant que l'examen sera rassurant.
Il semble d'ailleurs que le bouche-à-oreille fonctionne.
Une jeune femme de 28 ans mère d'un enfant est venue tout spécialement nous voir. Elégante comme la plupart des femmes ici ( y compris les très jeunes grands-mères), elle porte un voile vert et a un regard un peu triste. Elle est mariée depuis 10 ans et a un enfant de deux ans. Elle nous dit son inquiétude de ne pas voir d'autre grossesse survenir...Elle est venue exprès pour « les gynécologues de France ».
Alors, le Dr Rinal me laisse gracieusement occuper son fauteuil. Elle a la gentillesse de me faire la traduction. Ici, même si les corps sont difficilement accessibles, toutes les questions en revanche semblent pouvoir être posées et l'art de l'interrogatoire prend toute sa mesure... La jeune femme ressortira de la clinique avec quelques prescriptions et conseils, notamment celui de retrouver son époux, qui vit et travaille à Ramallah depuis 4 ans et qu'elle ne voit que le week-end...
Les angoisses de stérilité sont réelles chez ces femmes, souvent très jeunes et qui sont nombreuses à venir nous voir avec une question : « pourquoi pas encore de bébé? », parfois moins de 6 mois après le mariage. C'est en effet une petite surprise pour nous qui, outre la formation d'échographie, avions imaginé avoir à effectuer des consultations de contraception : il n'en est rien pour le moment.
Le Dr Rinal nous explique que les enfants sont attendus et les grossesses parfois provoquées rapidement; le citrate de clomifène est ici un médicament bien connu, même des plus jeunes femmes.
Nous découvrons et nous nous adaptons. Les femmes enceintes ne sont pas aussi nombreuses que nous le souhaitons mais celles que nous recevons ont une échographie pour laquelle nous prenons tout notre temps. Le docteur Akkad et le docteur Rinal progressent.
Nous avons pu pratiquer une échographie du premier trimestre. Nous avons abordé l'apprentissage de la datation avec l'utilisation des abaques ainsi que la mesure de la clarté nuquale et l'exposition des critères de qualité de cette mesure. Mais nous sommes songeuses : en cas de clarté nuquale augmentée, les amniocentèses sont très rarement réalisées et pour cause, il n'existe pas de laboratoire de cytogénétique à Naplouse. Les patientes devraient être adressées à Jerusalem pour réalisation de l'amniocentèse, ce qui nécessite des autorisations spéciales et rarement accordées pour les palestiniens. D'autre part, la réalisation des interruptions médicales semble être controversée...
Grâce à notre coordinateur sur place, Mr Ayman Shaka'a nous avons le privilège de rencontrer le Dr Fathi ODA, gynécologue-obstétricien et chef de service de la maternité de l'hôpital gouvernemental de la ville (quartier de Rafidia). Le docteur Oda, nous a fait l'honneur de la visite de son établissement et répond avec le sourire à nos nombreuses questions.
L'hôpital gouvernemental de la ville est le plus gros établissement de santé public de la région. Il s'y déroule 25 accouchements par jour. L'équipe médicale comprend 24 sages-femmes, 4 obstétriciens, 2 internes de médecine générale et 2 internes de gynécologie, 5 pédiatres et 5 internes de pédiatrie. L'équipe de sage-femmes et d'internes fonctionne selon les trois huit. L'obstétricien et l'anesthésiste ne sont pas sur place la nuit. Ce dernier est appelé en cas d'intervention chirurgicale uniquement et pratique soit une rachianesthésie, soit une anesthésie générale.
Il nous présente à son équipe de sages-femme, tandis que nous pénétrons dans la salle des accouchements, l'équivalent de notre bloc obstétrical. La pièce est longue et comprend 4 tables d'accouchement côte-à-côte séparées entre-elles par un rideau rose. De l'autre côté du couloir, une autre salle peut encore accueillir deux parturientes. Aux murs sont affichés les protocoles détaillés de prise en charge des hémorragies péri- et post-partum et de la dystocie des épaules.
Au moment où nous visitons, il n'y a pas de femme en travail, la dernière vient de rejoindre sa chambre et la suivante déambule dans les couloirs pour favoriser la dilatation, la perfusion et l'enregistrement cardiotocographique seront posés en fin de travail. Tout en discutant, nous passons devant la salle d'échographie. Deux appareils sont en place, le docteur Oda nous explique que le second appareil réservé à la sonde vaginale ne fonctionne pas. Nous abordons ensuite le service de néonatalogie. Une grande pièce claire qui comprend 35 incubateurs dont 8 sont occupés. Les nouveaux-nés sont pris en charge dans ce service à partir de 28 semaines d'aménorrhée. Nous remercions vivement le docteur Oda pour sa disponibilité et quittons l'établissement.
Nous repensons à nos consultations de la journée et à leur convivialité. L'une d'entre elle nous a amusée : une femme est occupée à consulter le docteur Rinal quand la porte du bureau s'ouvre. Une autre femme entre, embrasse la première et salue le docteur Rinal avec chaleur. L'interruption amicale et tonitruante n'entame pas la concentration du Dr Rinal qui nous explique que les deux femmes sont sœurs. Imperturbable, le docteur Rinal reprend son interrogatoire avec la première tandis que la seconde s'allonge sur la table d'examen. Le second médecin du dispensaire, le docteur Akkad nous explique que la patiente veut vérifier son stérilet, posé il y a 11 ans... Le stérilet va bien. Nous sommes tous d'accord pour envisager de le changer, les deux sœurs nous saluent et s'en vont enchantées.''