Sabotage de l'industrie pharmaceutique contre les pays du sud

L'humanitaire équitable ne fait pas bon ménage avec l'industrie pharmaceutique. La revue scientifique médicale internationale, le Lancet, critique l'attitude de l'industrie pharmaceutique à l'égard des pays en voie de développement

LONDRES, 16 décembre 2009 (APM) - Le Lancet a lancé mardi une attaque cinglante contre l'industrie pharmaceutique, l'accusant de chercher à saboter les initiatives internationales destinées à améliorer les traitements contre les maladies négligées dans les pays en voie de développement (PVD).

Citant des documents qui ont fuité sur internet, qui montreraient les pratiques cachées de l'industrie, l'éditorial publié en ligne cherche à galvaniser les sentiments anti-pharma afin de modifier les résultats des accords sur la propriété intellectuelle.

"L'industrie du médicament ne devrait plus être autorisée à tenir les pauvres en otage. Après ce nouvel incident, peut-être le temps est-il venu de lancer un nouveau cri d'alarme mondial (comme en 2001 lorsque 39 groupes ont engagé des poursuites contre l'Afrique du Sud en raison de son recours à des génériques) pour protester contre les tactiques utilisées par l'industrie pharmaceutique", écrivent les auteurs.

Dans cet éditorial non signé, le Lancet explique que la dernière tentative de sabotage de l'industrie pharmaceutique a concerné les réflexions du groupe de travail intergouvernemental sur la santé publique, l'innovation et la propriété intellectuelle (IGWG) de l'Organisation mondiale de la santé (OMS).

Il évoque la diffusion sur Wikileaks (un site internet qui publie anonymement des informations sensibles) de deux documents de travail de l'IGWG ainsi que de l'analyse qui en a été faite par la Fédération internationale des producteurs et des associations pharmaceutiques (IFPMA).

"Non seulement l'IFPMA a servi ses propres intérêts de façon éhontée en prenant connaissance et en analysant des documents qui, selon l'OMS, ne sont pas supposés être en sa possession mais, en plus, les documents de travail manquent du projet fort et plein de résolution nécessaire -en partie, de façon ironique, en raison de l'influence de l'industrie pharmaceutique", estime le Lancet.

Le document qui a fait l'objet d'une fuite établit une liste des travaux de R&D qui sont les plus et les moins susceptibles de marcher. Mais plusieurs des propositions parmi les plus soutenues, telles que la remise de prix ou un traité de R&D, ont déjà fait la preuve de leur inefficacité, explique l'hebdomadaire.

"Sans surprise", commente le Lancet, l'IFPMA pense que le document de travail ne gêne pas les desseins de l'industrie mais fait également part de ses inquiétudes concernant l'initiative "patent pool" d'Unitaid (cf dépêche APM RLMLF001).

Le Lancet conclut en expliquant que la bataille n'est pas finie et appelle les organismes influents et l'opinion publique à interpeller l'industrie pharmaceutique.

"L'histoire n'a pas encore tracé un trait sur l'innovation en R&D pour les maladies négligées. Il reste encore du temps pour mettre en avant les besoins de santé des pays pauvres lors des réunions à venir qui discuteront des propositions de l'IGWG. Mais une OMS et un Unitaid audacieux sont nécessaires. Plier sous la pression ne constitue pas une option", explique le Lancet.