SOS Méditerranée alerte sur l'état d'urgence déclaré à bord de l'Ocean Viking

Marseille, 3 juillet 2020



Après sept requêtes pour la désignation d’un lieu sûr auprès des autorités maritimes compétentes cette semaine et six tentatives de suicide par des rescapés en 24 heures, l’Ocean Viking a été déclaré en état d’urgence, la situation à bord s’est détériorée au point que la sécurité des 180 rescapés et de l’équipage ne puisse plus être garantie.




L’Ocean Viking a informé les autorités maritimes italiennes de l’état d’urgence à bord vendredi 3 juillet, à 15h25. Cette étape inédite dans l’histoire de SOS MEDITERRANEE a été provoquée par la détérioration rapide de l’état psychique de certains des rescapés à bord, en particulier un groupe de 44 personnes pour lequel l’équipage a sollicité une évacuation médicale aujourd’hui à 12h33, restée sans réponse jusqu’à présent. Ces 44 personnes en besoin d’assistance urgente sont dans un état de détresse psychologique aiguë, manifestant l’intention de porter atteinte à leur intégrité physique et à celle d’autres personnes à bord, y compris des membres d’équipage, ou faisant état d’idées suicidaires.





Deux hommes ont sauté par-dessus bord de l’Ocean Viking hier et ont dû être secourus en mer par notre équipe de sauvetage. Trois autres avaient l’intention de sauter et en ont été empêchés par des rescapés et des membres de l’équipe de SOS MEDITERRANEE. Tôt ce matin, un homme est passé à l’acte en faisant une tentative de pendaison. Un nombre important de rescapés sont dans un état d’épuisement psychique, de dépression et d’agitation aiguë, menant à des bagarres sur le pont, des menaces de violence physique sur les rescapés, l’équipage et le navire. Plusieurs rescapés souffrent d’une perte d’appétit, d’insomnie, de détresse psychique au regard des épreuves qu’ils ont traversées en Libye et dans la situation actuelle. Leur souffrance est aggravée du fait qu’ils sont dans l’impossibilité de contacter leurs familles depuis plusieurs jours et les informer qu’ils sont vivants. Deux personnes désespérées ont démarré une grève de la faim ce matin.




Outre la détresse psychologique aiguë de certains rescapés, les conditions météorologiques qui se détériorent constituent une menace supplémentaire pour la vie des personnes qui pourraient se jeter à la mer depuis l’Ocean Viking afin d’atteindre les côtes à la nage. La sécurité de l’équipage et des rescapés reste notre priorité absolue à chaque stade de l’opération.




Les comportements et le déclin physique et psychique de certains des 180 rescapés à bord du navire sont la conséquence directe d’un blocage long et inutile en mer et de l’absence d’une solution de débarquement dans un lieu sûr. Un bateau en mer ne peut pas être un lieu sûr pour des rescapés qui viennent de traverser un danger de mort imminent sur une embarcation pneumatique en détresse. Parmi les 180 rescapés à bord de l’Ocean Viking, on dénombre 25 mineurs dont 17 sont non accompagnés. L’une des deux femmes à bord est enceinte de 5 mois.




Sur les quatre opérations de sauvetage menées le 25 et le 30 juin, l’une a eu lieu dans la zone de recherche et de sauvetage commune italo-maltaise, les trois autres se sont déroulées dans la zone de recherche et de sauvetage maltaise. Il n’y a aucun doute possible sur la responsabilité du débarquement en lieu sûr. Le droit maritime est clair : un sauvetage n’est finalisé que lorsque les rescapés ont atteint un lieu sûr, et celui-ci doit être désigné par les autorités maritimes compétentes.




La première demande d’un lieu sûr où débarquer les rescapés a été envoyée aux autorités maritimes italiennes et maltaises il y a une semaine aujourd’hui. Cette requête a été réitérée à six reprises depuis. L’Ocean Viking a reçu jusqu’à présent une réponse négative de chacune de ces deux autorités. Aucune indication de solution n’a été proposée.




Nous répétons notre appel aux autorités compétentes et à l’ensemble des Etats membres de l’Union européenne, de se mobiliser urgemment et de se coordonner pour offrir une solution aux 180 rescapés à bord de l’Ocean Viking. Leur sécurité et celle de notre équipage en dépendent.








Historique des évènements :




Après être resté à quai dans le port de Marseille pendant trois mois en raison de la pandémie de COVID-19, l'Ocean Viking a repris ses activités le 22 juin.



Alors qu'il s’approchait de Lampedusa, l'Ocean Viking a été alerté d'une embarcation en détresse, le 25 juin. L'équipe de recherche et de sauvetage de SOS MEDITERRANEE a effectué à midi un premier sauvetage de 51 personnes à partir d'une embarcation en bois en détresse dans les eaux internationales, là où les zones de recherche et de sauvetage italiennes et maltaises se chevauchent. Environ une heure plus tard, l’Ocean Viking a été alerté de la présence d'une autre embarcation en détresse et a procédé au sauvetage de 67 personnes depuis un autre embarcation en bois à 40 milles nautiques au sud de Lampedusa dans la zone de recherche et de sauvetage maltaise.



À la suite de ces deux sauvetages, l'Ocean Viking a demandé aux autorités maritimes maltaises et italiennes la désignation d'un lieu sûr pour le débarquement des rescapés, conformément aux conventions maritimes. Cette demande a depuis été répétée à six reprises sans réponse positive.



Dans la soirée du lundi 29 juin, l'Ocean Viking a demandé de l'aide pour l'évacuation médicale d'un des rescapés dont l'état physique se détériorait. La personne a été évacuée vers une vedette des garde-côtes italiens.




Après être resté en attente entre Malte et Linosa pendant plus de 48 heures, l'Ocean Viking a été alerté d'une embarcation en détresse le 30 juin. L'équipe de recherche et de sauvetage de SOS MEDITERRANEE a repéré une embarcation en bois surchargée et a procédé au sauvetage de 47 personnes dans la zone de recherche et de sauvetage maltaise. Les rescapés ont indiqué qu'ils étaient en mer depuis plusieurs jours déjà. Le même soir, l'équipe a effectué un autre sauvetage d'une autre embarcation de 16 personnes à partir d'un bateau en fibre de verre dans la zone de recherche et de sauvetage maltaise. L'opération a été coordonnée par le Centre conjoint de coordination des opérations de sauvetage de Malte.




Le 2 juillet, deux hommes se sont jetés par-dessus bord. IIs ont été secourus par nos équipes, et sont en sécurité à bord. Trois autres personnes ont aussi tenté de sauter mais ont été retenues par d’autres rescapés ainsi que des membres de l'équipe SOS MEDITERRANEE.




Le matin du 3 juillet, un homme a tenté de se suicider. Tôt dans l’après-midi, l’Ocean Viking a envoyé une demande aux autorités maritimes italiennes et maltaises pour l'évacuation médicale immédiate de 44 rescapés qui sont dans un état de détresse mentale aiguë, menaçant de se faire du mal ainsi qu'aux personnes de leur entourage et exprimant des idées suicidaires.



Les équipes de SOS MEDITERRANEE ont secouru au total 31 799 personnes au cours des cinq années qui ont suivi la création de l'organisation civile européenne de sauvetage en mer en 2015. Au total, 2276 personnes ont été secourues par l'Ocean Viking depuis le début de ses opérations en août 2019. A ce jour, 903 personnes ont été secourues en 2020.

Depuis la fin du partenariat avec Médecins sans Frontières en juin 2020, l'équipe de SOS MEDITERRANEE à bord de l'Ocean Viking, constituée de 22 membres, couvre tous les domaines de nos opérations, la recherche et le sauvetage ainsi que la prise en charge médicale et non médicale des rescapés.



Opérer avec l'Ocean Viking en mer coûte plus de 14 000 euros par jour. Le réseau SOS MEDITERRANEE a réitéré son appel aux dons et au soutien pour sa mission de sauvetage auprès des citoyens européens le 22 juin dernier.