Haïti : après l'espoir, le fatalisme...

Récit de Corinne Perron- Six mois après le séisme, les promesses de reconstruction sont restées lettre morte pour la population des bidonvilles de Port au Prince. Au quotidien, les conditions de vie sont de plus en plus précaires et l'espoir fait place à la résignation.

Trois mois et demi après l’ouverture de la maison de santé à Bristout (bidonville de Port-au-Prince), on observe une fréquentation constante, à raison d’une moyenne de 4O consultations par jour. L’équipe de ce dispensaire assure avec beaucoup de sérieux et d’assiduité des consultations de médecine générale et des soins de santé primaire à la communauté de Bristout/Bobin dont les membres, vivant avec moins d’un dollar par jour, n’auraient pas accès aux services de santé. Dans le bidonville, des milliers de gens vivent toujours sous des tentes.

Tentes bleues

Six mois jour pour jour après le séisme, on voit toujours autant de tentes, de gravats, de décombres. Les Haïtiens continuent de casser avec des masses les restes des maisons et des bâtiments détruits et portent les gravats dans des seaux sur leurs têtes et dans des brouettes. Nous avons vu seulement deux pelleteuses, mais elles ne bougent pas, elles sont toujours à la même place, comme abandonnées. Ces mêmes énormes pelleteuses Caterpillar qui, en Palestine, détruisent les champs d’oliviers. Là-bas, elles participent à la souffrance du peuple palestinien et on aimerait les voir s’arrêter, ici elles ne soulagent en rien celle du peuple haïtien...

gravats-école

1,5 millions de sans-abris vivent encore dans des camps improvisés. Les forts orages et la pluie qui tombe comme des cordes les installent définitivement dans une situation critique. Et la saison des ouragans qui s’annonce ne va pas arranger les choses. Parce qu’il y a ça aussi, les ouragans…

fillettes-seaux

Ces pluies diluviennes pourtant quotidiennes ne suffisent pas à laver la ville et assainir les ravines. Les déchets pullulent, les marchandes ont les pieds dans les égouts. Les rats sont bien gras et l’air sent l’urine. Les haïtiens sont très soucieux de leur hygiène corporelle, ce qui les préserve pour l’instant des épidémies que nous craignons tous. Malgré la frustration devant le terrible fossé entre les promesses d’aide (10 milliards de dollars sur cinq ans) et la désastreuse réalité à ce jour, les Haïtiens font preuve d’une patience étonnante. Mais jusqu’à quand ?

Le deuil n’est pas encore terminé. Le deuil a commencé le 12 janvier, après ces terribles 35 secondes dévastatrices. 35 secondes, une demi-minute…

L’espace d’un cillement. « Une étrange éternité de chamboulements, de chambardements, de désastres, de calamités, de catastrophes et de bouleversements dont les séquelles, les meurtrissures, les blessures, les traumatismes et les cicatrices demeurent inapaisables, inextinguibles, inoubliablement atroces. » (Frankétienne, peintre et poète haïtien).