Haiti : à Port au Prince, les Urgences ferment le dimanche

Presque trois mois après le tremblement de terre, et malgré une mobilisation internationale de grande envergure, la prise en charge d'une simple fracture fermée de l'avant bras un Dimanche après midi, devient un véritable parcours du combattant pour les sans abris de Port au Prince. On en compte actuellement 600 000 installés dans des habitations de fortune encombrant la moindre surface non construite de la capitale. Notre équipe a accompagné l'une d'entre eux dans son parcours de soins.

Par Corinne Perron, Infirmière, Mission Help Doctors Haiti, Port au Prince

Autant de tentes collées les unes autres laisse peu de place pour la circulation de dizaines de milliers de gens qui vivent dans le bidonville de Bristout/Bobin. Les passages y sont étroits et escarpés, dangereux pour celui qui ne prêterait pas attention à chacun de ses pas.

Nephtalie a fait ainsi une chute en sortant de sa tente. Son avant-bras s'est brisé et la fracture déplacée nécessite une intervention chirurgicale. Quoiqu'inséré au coeur de Port au Prince, Bristout est loin de tout, les ambulances sont rares, les taxis surchargés et inconfortables. Nous décidons donc d' emmener la petite fille de 6 ans à l’hôpital le plus proche, appelé le HCH (Hôpital Communautaire Haïtien). Pas de chance, une affichette à l'entrée des Urgences indique qu'il n'y a plus d'orthopédiste jusqu'à nouvel ordre.

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Nous nous rendons alors à un second hôpital, la clinique de Canapé Vert, à plus d'une demi heure de route. Pas de chance une fois de plus, les urgences ferment à 17h et les médecins sont rentrés chez eux, nous sommes arrivés trop tard. Il nous faut tenter un troisième hôpital, encore plus loin.

Les routes de Port au Prince, dont l’état désastreux nécessite forcément l’utilisation d’un 4X4, font la fortune de Mr Toyota et le malheur des fillettes aux os cassés et déplacés. Nephtalie ne dit pas un mot malgré les violentes secousses que j’essaie désespérément d’amortir en tenant le petit poignet immobilisé dans une attelle. Pas une plainte, même pas l’esquisse d’une grimace, juste la crispation grandissante de ses doigts sur mon bras qui la tient. Elle doit avoir très très mal, c’est obligé, mais elle n’en dit rien. Elle m’impressionne.

Nous arrivons enfin au troisième hôpital, le CDTI (Centre de Diagnostic et de Traitement Intégrés) dont les urgences sont également fermées et les médecins partis depuis longtemps. Pas de chance, encore une fois. Heureusement, une dame, seule à l’accueil, accepte de téléphoner pour nous au directeur médical, le Dr Patrick Dupont, qui nous autorise à utiliser le service des urgences et le matériel nécessaire pour faire une attelle plâtrée à visée antalgique. Nephtalie sera radiographiée et sa fracture réduite le lendemain.

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Dans la cour de cet hôpital, des dizaines de blessés, rescapés du séisme, vivent sous des tentes, sur des lits de camps. Les enfants amputés d’une jambe ou plâtrés des deux font la course dans leurs fauteuils roulants. De grands éclats de rire accompagnent les pirouettes audacieuses de ces petits intrépides.

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