Pakistan : notre mission d'évaluation à Muzaffarabad

Deux ans après le séisme, les ONG travaillent dur à Muzaffarabad (Pakistan)

Les ONG internationales se retirent de Muzaffarabad, de 100 dans les suites proches du séisme, elles ne sont plus que 23 aujourd'hui. A l'heure du désengagement, nous avons choisi d'aider notre partenaire bangladais Friendship à réfléchir à une amélioration de l'offre de soins dispensée depuis déjà 16 mois aux populations victimes du tremblement de terre qui a si durement touché le Cashemire pakistanais en Octobre 2005. Nous avons, à l'occasion de la mission d'évaluation, pu rencontrer les acteurs de santé les plus proches des nombreuses victimes encore "laissées pour compte" plus de deux ans après.

Le Dr HAFIZULLAH (à droite sur la photo) a 29 ans, originaire de Karachi, il a fait ses études pendant 7 ans à Abbottabad à 120 kms au Nord d’ Islamabad. Depuis Février 2007, il est employé à temps plein par l’organisation Friendship International dans le dispensaire et la clinique mobile mis en place à Muzaffarabad dans les suites du tremblement de terre. Waheed RHEMAN, lui, est paramedic et specialisé en aide opératoire, il a été formé pendant 2 ans à Karachi et a longtemps travaillé en clinique privée avant de rejoindre l’équipe du dispensaire de Muzaffarabad.

L’un et l’autre assurent la consultation et les soins au dispensaire six jours sur sept. Trois fois par semaine, aidés d’un logisticien, d’un chauffeur et d’une travailleuse sociale, ils déplacent la consultation dans les villages environnants grâce à un véhicule spécialement conçu pour cette activité de soins ambulatoires. Trois villages sont régulièrement visités. Situés à moins d'une heure de Muzaffarabad dans trois directions différentes, ils jouent le rôle de centres de ralliement pour des familles éparpillées dans les nombreux hameaux qui constituent l'habitat de cette région

Deux ans et demi après le séisme, de nombreux sinistrés sont encore réfugiés dans un camp situé au nord de la ville au bord du fleuve Neelam. Ce camp constitué d’abris rudimentaires en tôle ondulée regroupe encore actuellement près de 15 000 personnes. Même si le temps passé a permis de nombreux aménagements (des échoppes se sont installées, certains ont construit des murs autour de leur abri...), les conditions de vie au camp restent précaires particulièrement en terme d'assainissement et la vie reste suspendue aux aides nationale et internationale. Malgré des programmes de reconstruction ambitieux en ce qui concerne les bâtiments publics, et les nombreux financements internationaux dans ce domaine, la réhabilitation de l'habitat individuel semble loin de s'achever. L'emplacement de certains villages entièrement détruits n'offre pas de garantie suffisante pour envisager leur reconstruction. Le sort de ces populations déplacées semble donc bien devoir durer...

Le dispensaire a été implanté dans le camp pour faciliter son accès, les consultations, les traitements et les soins y sont dispensés gratuitement. Ceci explique en partie son succès. En 16 mois, près de 14 000 patients sont passés par le dispensaire, 6 000 ont été vus dans la clinique mobile.

Hafiz et Waheed décrivent une activité médicale classique pour un camp de réfugiés: “ Nous voyons une majorité de femmes et d’enfants, ils constituent près de 60 % de nos consultants. Les jeunes sont les premiers à souffrir de ces conditions de vie, 70% de nos patients ont moins de 18 ans. Les infections des voies aériennes et cutanées prédominent, il y a de très nombreux cas de gale mais nous suivons également beaucoup de diabètes et d’hypertensions. La semaine dernière nous avons détecté une tension élevée chez un jeune, il sera revu sous traitement mais nous n’avons guère la possibilité de pousser le bilan plus loin. Les accidents de moto sont trés fréquents sur les pistes environnantes. Quand les blessés nous arrivent ils présentent le plus souvent de vastes plaies, heureusement superficielles, qui demandent un gros travail de pansements. Le rythme de travail imposé est harassant (de 100 à 150 patients par jour) et cela depuis des mois. Le problème majeur que nous rencontrons depuis le début est celui de l'interrogatoire et de l'examen des femmes par deux hommes dans une région profondément ancrée dans le traditionalisme musulman. Nous savons qu'un grand nombre de pathologies gynécologiques et du post-partum nous échappent.”

Hafiz confie que son rêve est de reprendre ses études afin de se spécialiser et d’obtenir en 4 ans le FCPS (Fellow of the College of Physicians and Surgeons), ce diplôme ferait de lui un spécialiste en Médecine Générale.

Quant à Waheed qui n’a pas vu sa femme restée à Karachi depuis 6 mois, il n’a qu’un leit-motiv: “too busy!”.

Sous réserve d'obtenir les financements nécessaires à leur réalisation, les améliorations à apporter au dispositif sont toutes tracées. Un deuxième local, destiné à l'accueil des femmes et des enfants, une paramédic femme pour faciliter la prise en charge des femmes et l'identification de probablement nombreuses pathologies inavouées (fistules vaginales, prolapsus, leucorrhées...), le recyclage des paramédics axé principalement sur la traumatologie et la gynécologie-obstétrique. De quoi renforcer un peu plus les liens tissés entre Help Doctors et Friendship à l'occasion du cyclone Sidr.