Zoé m'a tueR

Zoé m'a tueR…

Ça devait arriver. Depuis tout ce temps. La vraie fausse note humanitaire. Le pire cliché colonialiste du gentils héros blanc qui sait ce qui est bon pour les petits noirs. Cette opération commando en uniforme voulait faire un exemple pour attaquer "toutes les grosses ONG qui ne font rien au Darfour". Il n'y a rien d'humanitaire là dedans. A y réfléchir de plus près on peut considérer que ramener clandestinement en France 103 enfants africains sans papiers soit assimilé à de la maltraitance…Mais bon, ce qui arrive n'est pas une surprise. Certains symptômes annonçaient la fin d'une époque. Mais là c'est définitif : les French Doctors sont morts et enterrés. Les nostalgiques de cette "grand famille" des humanitaires pourraient s'en émouvoir. Ceux qui ont connu l'époque romanesque de l'Afghanistan où les missions duraient 1 à 2 ans cachés dans la montagne à vivre avec les combattants. A cette époque, être vu avec des hommes en arme qui luttaient contre un occupant (l'armée russe) était bien vu, voir même un gage de qualité humaniste. Souvent avant les journalistes, les French Doctors étaient les premiers à dévoiler la réalité des catastrophes et des guerres aux yeux du monde. Et puis les choses ont changé. Il y a eu le Kosovo en 1999. Première opération du droit d'ingérence humanitaire. La communauté internationale décida d’intervenir militairement pour que cesse le massacre des civils du Kosovo. Même si on pouvait espérer que les Nations Unies tiennent enfin leur rôle, le choix de bombarder Belgrade « pour le Kosovo » a marqué un premier pas inacceptable pour la promotion des « guerres justes ». Au même moment, les ONG internationales dans les camps de déplacés en Albanie et en Macédoine recevaient dèjà bien plus d'argent qu'elles ne pouvaient en utiliser. La mode était de donner des crayons de couleurs à des enfants pour qu'ils dessinent "les horreurs qu'ils avaient vécues". Je me souviens d'un groupe d'enfant dans un camp en Macédoine. Ils étaient en rond avec des psychologues et psychiatres français d'une ONG médicale. L'un d'eux ne dessinait pas. J'ai demandé pourquoi. Tout simplement parce qu'il ne savait pas ! Mais voilà, s'il dessinait des oiseaux ou des fleurs, une psychiatre se jetait sur lui en expliquant que ce n'était "pas normal". Alors pour être tranquille, les enfants dessinaient souvent tous la même chose : la maison qui brûle, des fusils, la guerre. Le 11 septembre 2001 tout a changé. Plus de romanesque, plus d'ingérence humanitaire. Mais "un droit" autoproclamé pour les occidentaux d'aller faire la guerre au nom « du bien » contre un ennemi invisible, sans pays, sans frontière : le terrorisme. C'est ce qu'on fait les Etats Unies en Irak, à l'encontre du Conseil de Sécurité des Nations Unies, avec le succès que l'on connaît. Cette guerre, les membres de la coalition l'on voulu sans témoins. Les journalistes et les humanitaires sont donc naturellement devenus les principales cibles des extrémistes de tout bords. En Irak ce sont les mêmes militaires qui un jour font une campagne de vaccination dans un village, et qui le lendemain viennent l'attaquer au nom de la "lutte contre le terrorisme". La confusion est totale. Le Tsunami du 27 décembre 2004, au-delà du terrible bilan humain, aura permis à de très nombreuses ONG de faire un véritable coup financier. Il aura fallu 3 ans pour reloger les Indonésiens d'Aceh dans des baraques en bois, malgré les centaines de millions d'euros de dons. Avec cette catastrophe l'humanitaire est devenu "à la mode". Tout le monde s'est senti concerné, et que soit dans un village de Bretagne, dans une école Lilloise ou une maison de retraite Corse. Les dons ont afflué permettant la réalisation de centaines d'initiatives individuelles plus ou moins efficaces "au nom de l'humanitaire". Cette époque est terminée. On la regardera peut être avec envie dans les livres d'histoire. Il faut aujourd'hui inventer autre chose. Un modèle de solidarité internationale fondée sur l'altérité, c'est-à-dire la relation à l'autre. Ce sera la fin des grosses ONG de substitutions qui font "à la place de". Comme pour le commerce équitable, il faut partir des besoins de l'autre, mettre en place des circuits courts, faire confiance, trouver les compétences locales et monter des actions portées "par et pour" ceux que l'on vient aider. C'est ce que doit être l'humanitaire équitable. Les deux catastrophes récentes en Birmanie et en Chine en sont le meilleur exemple. Les pays totalitaires voient l’aide internationale comme une mise en péril de leur régime autoritaire, quitte à laisser mourir leur peuple. Pas de témoins : ni sauveteurs, ni soignants, ni journalistes. Même les Nations Unies restent à la porte. Souvent, les médecins urgentistes ce sont rendu disponibles pour intervenir sur les grandes catastrophes. Il faut continuer. Mais soyons prudents. Ne partons pas en mission n'importe ou, n’importe quand et avec n'importe qui. L'humanitaire ne doit pas être militaire. Jamais. Si l'on s'engage aux cotés de soldats en tant que médecins hospitaliers nous ne serrons jamais libre de travailler et de témoigner comme nous le souhaitons. Nous serrons "aux ordres" d'une politique d'état qui veut nous faire croire qu'il peut y avoir de "bonnes guerres" pour la paix. Ne confondons pas les choses, évitons les amalgames faciles et construisons, y compris dans les contextes d'urgence et de guerre, de vraies actions de soins fondées sur la mise en valeur de l'autre. A nous d’inventer l’humanitaire de demain !