Famine en Afrique de l'Est : premier résultat visible du changement climatique

Communiqué de la Fédération Internationale des Sociétés de la Croix Rouge et du Croissant Rouge

« Personne n’a été épargné par la sécheresse, » déclare Oscar Murengeratwari, un fermier du Burundi. « Je n’aurais pas jamais pu imaginer que j’en viendrai un jour à mendier ou à demander de l'aide pour me nourrir. »

De nouvelles recherches suggèrent que les risques de changement climatique sont plus importants en Afrique que dans d'autres parties du monde, la température moyenne étant 0,5° C plus chaude qu'il y a une centaine d’années. L'évolution du climat crée d’ores et déjà de nouvelles situations d’urgence qui sont plus complexes dans la mesure où les régions concernées sont touchées simultanément par la sécheresse et des inondations, lesquelles s’accompagnent souvent d'épidémie de maladies infectieuses. Des maladies telles que le choléra et la fièvre de la vallée du Rift, dont on pensait qu’elles avaient été éradiquées, ont fait leur réapparition. Nombre de communautés sont confrontées quasiment en permanence à des catastrophes.

« Le moment est venu de préparer les communautés vulnérables au pire. Le changement climatique est l'un des principaux risques auxquels nous devons faire face aujourd'hui," précise Madeleen Helmer, responsable du centre d’étude sur le changement climatique de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge situé à La Haye, aux Pays-Bas.

Le Burundi, où plus de la moitié de la population vit avec moins de 5 dollars américains par jour, a été touchée par des épisodes de sécheresse et une série d'inondations. A titre d’exemple, le pays a été touché par la sécheresse en 2006, puis par des inondations en 2007. Cette année, deux millions de personnes ont été affectées par les inondations, soit près de 25% de la population, et ont besoin d’aide. Les récoltes et élevages ont été détruits. De nombreuses personnes ont tout juste de quoi faire un repas par jour, d’autres survivent grâce à l’aide d’urgence.

« La famine, provoquée par la sécheresse et les inondations, est l’aspect le plus visible de l’évolution du climat, » explique Jean Marie Sabushimike, professeur de géographie à l’Université du Burundi.

Les interventions d'urgence représentent un coût important pour le gouvernement. Selon Nintunga Servilien, responsable du département de la gestion des catastrophes au gouvernement du Burundi. Près de 74 millions de dollars américains ont été dépensés en 2007, principalement pour financer des articles d’urgence et des médicaments, afin de venir en aide aux victimes de la sécheresse dans la province de Kirundo. Il serait préférable d’utiliser ces ressources pour financer des programmes de préparation aux catastrophes. Selon lui, « Il est temps de prendre en compte la réduction des risques de catastrophe dans les programmes de développement. »

Par ailleurs, des signes inquiétants montrent que les lacs et les fleuves sont en train de s’assécher. C’est le cas notamment du fleuve Boco, situé dans la région de Fadis, à l’Est de l'Ethiopie, qui s’est tari en partie à cause du manque de pluies. Le fleuve était la principale source d’irrigation de la région. Yusuf Idris, un ancien du village, se souvient que des orangeraies poussaient sur ces sols autrefois très fertiles. Aujourd’hui, sa ferme produit si peu que ses enfants ont dû se rendre dans les villes avoisinantes pour vendre leur force de travail et faire du commerce. Comme beaucoup d’autres, Yusuf dépend de l’aide d'urgence.

Le lac Haromaya, situé non loin de là, est tari depuis quatre ans. Un ensemble disparate de petites fermes a été construit sur son emplacement. Fatiya Abatish Jacob, une commerçante locale, a vécu près du lac pendant 14 ans. « J’avais l’habitude de puiser de l’eau dans le lac ; maintenant, je dois parcourir 8 kilomètres pour en trouver, » se lamente t–elle. « De nombreux fermiers utilisaient l’eau du fleuve pour irriguer leurs légumes; on pouvait également y pécher. Aujourd’hui, il n’y a plus de poissons et les légumes sont devenus plus chers. »

Ahmed Abdi avait coutume de pêcher du poisson dans le lac. “J’attrapais des perches du Nil et d’autres variétés de petits poissons. Aujourd’hui, je n’ai plus aucun revenu.” Le lac permettait également d’approvisionner en eau la ville de Harar, une ville qui souffre aujourd’hui de graves pénuries.

Le Rwanda connaît une situation similaire. Dans la région de Bugesera, où près de 40% de la population ne savent pas quand ils pourront prendre leur prochain repas, de nombreux fermiers ont subi plusieurs mauvaises récoltes de suite à cause des pluies intermittentes.

Mary Jane Nzabamwita est l'un de ses fermiers. L’année dernière, elle a perdu près de 50% de sa récolte contre 40% cette année. Elle doit nourrir ses cinq enfants et les envoyer à l'école.

« J’ai l’impression de ne pas être libre, de reculer. Mes enfants ne sont pas en bonne santé. Un de mes enfants est âgé de 10 ans, pourtant on ne lui en donnerait que cinq, » confie Mary Jane. Sa mère qui est âgée de 67 ans et vit avec la famille ajoute : « Je vis ici depuis 21 ans ; ces dernières années ont été les pires, »

Il n’est pas surprenant, dès lors, que les habitants soient si nombreux à partir pour chercher de la nourriture et du travail dans d'autres régions du pays ou dans les pays voisins, notamment la Tanzanie.

Les Sociétés nationales de ces pays commencent à s’interroger sérieusement sur les risques liés au changement climatiques et cela d'autant plus que ce sont souvent les plus vulnérables qui sont les plus touchés. La Croix-Rouge et le Croissant-Rouge, de par le caractère unique de leur mission, peuvent contribuer aux débats et aux travaux sur les moyens permettant de limiter l’impact du changement climatique.

Anselme Katyunguruza, le Secrétaire général de la Croix-Rouge du Burundi, est de ceux qui pensent que la Croix-Rouge et le Croissant-Rouge ont un rôle évident à jouer dans ce domaine. « Nous devons former nos volontaires afin qu’ils puissent intégrer les systèmes d’alerte rapide dans d’autres activités, » déclare t-il. « Nous disposons d’un avantage dans la mesure où nos volontaires habitent dans les villages et nous donnent des informations de première main sur ce qui passe au niveau communautaire. »

Comme le précise Youcef Ait-Chellouche, coordinateur de la Fédération internationale chargé de la gestion des catastrophes en Afrique de l’Ouest et en Afrique central, «Notre expertise dans le domaine de la gestion des catastrophes, les relations étroites que nous entretenons avec les populations et l’approche communautaire sur laquelle nous avons fondé notre action nous donnent une position privilégiée, qui nous permet de mieux nous adapter et d’aider les communautés à se préparer aux catastrophes provoquées par le changement climatique. »