Retour de mission au Ladakh : contexte et géographie

Leh, ville de 25.000 habitants, vit essentiellement du commerce et du tourisme. Traversée depuis des siècles par des caravanes chargées d’épices, de textiles, de soie sauvage, de tapis mais aussi de substances narcotiques, la ville conserve de nos jours ce caractère marchand dont témoigne l’intense animation des rues principales ; avec une mention toute particulière pour la vision colorée des paysannes accroupies dans la rue principale avec leurs paniers de fruits et légumes ainsi que pour les boutiques des commerçants tibétains. La ville est dominée par le Palais Sengge Namgyal construit dans la grande tradition de l’architecture tibétaine.

L’escalade, le trekking et les visites des monastères bouddhistes constituent les attractions touristiques principales du Ladakh. Avant de s’engager dans ces activités et du fait d’un air pauvre en oxygène, il est nécessaire de s’acclimater au préalable pendant 1 ou 2 jours.

La proximité géographique, l’apparence physique de la population Ladakhi et les importants mouvements de d’immigration rendent le territoire du Ladakh plus proche du Tibet que du reste de l’Inde.

Notre mission exploratoire débute par d’indispensables visites aux différents représentants du corps médical et de l’administration indienne.

Il est commun de dire que l’Inde est un pays de contraste et ceci reste vrai en ce qui concerne le système de santé ; le gouvernement central n’affecte que 0.9%du PIB au secteur de la santé ce qui explique la grande faiblesse du système public de santé. A l’opposé, on assiste à une explosion d’un secteur privé dérégulé au coût inabordable pour les plus défavorisés. Les dépenses de santé sont à l’origine de nombreux surendettements et précipite annuellement dans la pauvreté 37 millions d’indiens.

L’état du Jammu et Kashmir fait de plus partie des territoires les plus oubliés du pouvoir central en dépit de ces 3690 établissements de santé dont le dysfonctionnement a des déterminants multiples. L’un des déterminants est l’exode des professionnels de santé qui a rendu non opérationnel certains Primary Health Centres et certains dispensaires. Ce déficit en ressources humaines médicales va se combiner à une mauvaise implantation des programmes nationaux de santé et à une très grande inégalité dans l’accès aux soins des populations montagnardes ainsi que celles issues des castes défavorisées. Le rigoureux hiver Ladakhi combiné à l’éloignement géographique des centres médicaux équipés fait partie des contraintes les plus importantes.

Pour information, la formulation des principales politiques nationales de santé et des programmes nationaux est du ressort du Ministry of Health & Family Welfare (MoHFW) dont le Ministre de tutelle est membre du Parlement. Les décisions administratives sont prises par le Health Secretary aidé par ses adjoints Directeurs et Deputy Directeurs qui sont membres du corps de santé.

A l’échelon de l’Etat du Jammu et Kashmir existent des districts dont l’organisation est calquée sur l’échelon central. Le district du Ladakh est dirigé par un Chief Medical Officer (CMO) représentant du MoHFW et relève administrativement du District Commissionner (DC) ; un district est divisé en blocks dirigé par un Block Medical Officer. Au niveau du district les installations hospitalières consistent en un hôpital de district ; au niveau des sous districts existent des hôpitaux équipés en services généraux et de spécialités. A l’échelon inférieur se situent les Allopathic Dispensaries où officient un médecin et du personnel paramédical. L’échelon le plus décentralisé est celui des Medical Aid Centres. Pour sa part, la région du Ladakh possède 2 hôpitaux de districts.

Il est à noter que la région a bénéficié récemment d’un appui financier du gouvernement central pour le programme de santé primaire en zone rurale ainsi que d’un appui de la Banque Mondiale sur le programme de santé reproductive et de santé de l’enfant.

A la suite de différents entretiens avec les responsables médicaux et administratifs du district du Ladakh et de la consultation des données sanitaires, nous identifions les sites où l’accès aux soins est le plus difficile pour les populations les plus marginalisées.

Les villages bidonvilles de Skalzangling-Ukling, situé à 5 kms de Leh et de Kharnakling, un peu plus éloigné, voient leur population augmenter durant la saison touristique. Si ces villages sont toute l’année habités par des Ladakhis, des migrants internes venus de l’Etat voisin du Bihar ainsi que des Népalais et des Tibétains viennent durant l’été grossir la foule des permanents. Relégués à distance de la capitale, ces travailleurs immigrés occupent les emplois les plus difficiles dans le tourisme, le bâtiment et la construction des routes. Si ils accèdent par les transports en commun à l’hôpital de Leh pour les pathologies les plus graves, les habitants de ces bidonvilles ne se voient proposer aucune structure sanitaire de proximité pour couvrir les besoins sanitaires plus quotidiens, ce qui les incite à consulter également à l’hôpital pour des soins de santé primaire.

L’hôpital de district de Leh constitue donc le centre de référence pour tout le district. Les principales spécialités médicales sont représentées mais l’établissement doit faire face à une surpopulation chronique en terme d’occupation de ses 150 lits ainsi qu’à une sur fréquentation des consultations. Cette surpopulation est le fait, comme mentionné précédemment, d’une émigration urbaine galopante particulièrement marquée en période estivale. Les couloirs et les escaliers de l’hôpital de Leh sont encombrés de milliers de personnes attendant pendant des heures pour une consultation de moins de 1 minute lors de laquelle aucune intimité ni confidentialité ne sont assurées. Les soignants nous mettent à disposition les rares données concernant les pathologies les plus courantes ; parmi les nombreux problèmes de santé insuffisamment ou non couverts par le système de soins, les pathologies liées à l’alcool nous sont plusieurs fois mentionnées.

La dernière étape de notre mission exploratoire nous conduit vers le district de Hanu, à 5 heures de route de Leh. Le choix du district de Hanu nous a été dicté par son éloignement des structures hospitalières et sa population d’origine Indo-aryenne, facteurs qui participent à la marginalisation de cette population.