L’aide humanitaire aux Palestiniens sur la corde raide

JERUSALEM, 3 septembre 2007 (IRIN)

Largement dépendante de l’aide étrangère pour le fonctionnement des services de base, l’économie de Gaza poursuit sa progression vertigineuse vers les bas-fonds.

Selon les estimations prudentes de plusieurs sources onusiennes, au moins 1,3 milliard de dollars d’aide a été versé au Palestiniens en 2006.

Malgré tout, après la victoire électorale du Hamas au début de l’année 2006, le versement des fonds à l’Autorité palestinienne (AP) était devenu problématique, le mouvement islamiste étant communément perçu comme une organisation terroriste. Son gouvernement a donc été boycotté par l’Occident.

A mesure que le soutien et l’aide au développement accordés à l’AP se tarissaient, les besoins humanitaires devaient se multiplier. L’appel humanitaire consolidé, lancé par 12 agences des Nations Unies et 14 organisations non-gouvernementales (ONG) en décembre 2006 portait sur le versement de plus de 450 millions de dollars, la troisième plus importante demande d’aide humanitaire au monde. Néanmoins, cet appel n’était satisfait qu’à 29 pour cent au milieu de l’année 2007.

Contournant le gouvernement du Hamas, certains Etats, dont plusieurs pays arabes, avaient versé des fonds directement au bureau du président Mahmoud Abbas, membre du Fatah.

La Norvège a été quasi seule à décider de reprendre les financements en mars 2007, après la constitution d’un gouvernement palestinien d’unité nationale. D’autres pays, comme le Japon, qui avait annoncé, au début du mois qu’il verserait 11 millions de dollars à l’AP et 9 millions supplémentaires d’aide humanitaire, ont attendu que le gouvernement ne compte plus aucun élément du Hamas.

En juin, M. Abbas a destitué les ministres du Hamas, après que le groupe islamiste eut bouté les forces du Fatah hors de Gaza ; le président a ensuite nommé un gouvernement intérimaire dirigé par l’économiste Salam Fayyed, considéré comme un « partenaire » par les responsables occidentaux. Toutefois, Gaza reste à ce jour sous le contrôle du Hamas, toujours boycotté.

Pour manifester leur soutien à M. Fayyed, certains gouvernements ont augmenté les aides.

Les Etats-Unis, qui habituellement ne rémunèrent pas les salariés des programmes d’aide, ont récemment redémarré plusieurs projets d’infrastructures, selon un responsable. Par ailleurs, le congrès a récemment annoncé le versement de quelque 80 millions de dollars, destinés au financement d’une équipe de sécurité, qui travaille au renforcement des forces de sécurité de M. Abbas.

Quant au Canada et à l’Australie, ils ont accordé des subventions au Mécanisme international temporaire (MIT). Le MIT

Le MIT, une invention européenne, a été créé « pour prévenir la crise humanitaire », a expliqué à IRIN Ian Hoskins, de la Commission européenne (CE), depuis Jérusalem.

Avant la victoire électorale du Hamas, il existait un fonds d’affectation spéciale, mis en place par la Banque mondiale et en bonne partie alimenté par l’Europe, qui aidait l’Autorité palestinienne (AP) à payer ses salariés et à assurer des services. Après les élections, le MIT, essentiellement financé par l’UE, a été créé pour permettre de continuer d’aider les Palestiniens, tout en contournant le Hamas.

Grâce à ce mécanisme – unique au monde – les employés de l’AP reçoivent des « subventions » directement transférées sur leurs comptes bancaires ; des fonds sont versés aux hôpitaux et aux écoles et les Palestiniens les plus pauvres reçoivent des prestations sociales.

Quelque 350 millions d’euros ont été versés par le biais de ce système, essentiel puisque Israël avait imposé une suspension quasi totale du reversement des taxes qu’il percevait au nom de l’AP, depuis mars 2006 jusqu’après la nomination de M. Fayyed au poste de Premier ministre.

Malgré tout, dans son rapport publié au début de l’année 2007, Oxfam critiquait les frais généraux élevés du MIT, un système qui en outre, selon l’organisation, porte atteinte à l’économie locale.

Plusieurs responsables de l’UE ont indiqué, quant à eux, que les frais généraux étaient raisonnables et qu’il n’y avait pas d’autre choix, à l’époque, l’AP étant contrôlée par le Hamas.

« Ce mécanisme me permet de suivre les paiements versés à chacun », a déclaré M. Hoskins, observant que le système compliqué du MIT lui permettait de s’assurer que chaque centime versé atteignait bien la destination visée.

Par ailleurs, bien que les coûts de transaction du MIT soient supérieurs à ceux du fonds d’affectation spéciale, M. Hoskins a noté que de manière générale, des sommes plus importantes y étaient versées par les pays d’Europe.

Plus de poisson, moins de cannes à pêche

En plus de tenter de verser des fonds sans qu’ils tombent entre les mains du Hamas, les bailleurs sont confrontés à divers dilemmes importants.

Selon certains observateurs, étant donné que le Hamas est toujours boycotté, les bailleurs de fonds risquent en fait d’alimenter les tensions entre les partis palestiniens rivaux.

De même, on s’inquiète à l’idée que Gaza puisse devenir totalement dépendante de l’aide humanitaire, sa propre économie étant près de l’effondrement.

« Les bailleurs donnent de plus en plus de poissons et de moins en moins de cannes à pêche, une tendance qui a été accentuée par le boycott du Hamas », selon Nicolas Pelham, de l’International Crisis Group.

« S’il y a une crise humanitaire, la communauté internationale en sera tenue pour responsable », selon M. Hoskins. « S’il y a une crise humanitaire, la communauté internationale en sera tenue pour responsable »

S’il n’est pas envisageable de suspendre l’aide humanitaire, « nous serions ravis de mettre fin au MIT et de nous intéresser davantage au développement institutionnel et aux projets de développement à long terme », comme le faisait l’UE avant 2000, a expliqué M. Hoskins.

A en croire certains observateurs, avec le gouvernement de M. Fayyed en place en Cisjordanie, la rencontre des bailleurs qui aura lieu le mois prochain en présence de Tony Blair, récemment nommé au poste d’envoyé international, pourrait précisément porter sur ce type de projets, mais risque de laisser Gaza pour compte.

« Des mesures doivent être prises pour renforcer les éléments d’un Etat moderne », selon Neve Gordon, maître de conférence en science politique à l’université Ben Gurion, en Israël. Notamment, « la liberté de circulation est cruciale ».

Certains accusent la communauté internationale de se substituer à d’autres parties responsables, notamment à Israël, en tant que puissance occupante dans les Territoires palestiniens occupés.

Selon Michael Bailey, membre d’Oxfam à Jérusalem, son organisation tente de résoudre ce dilemme par le biais du plaidoyer.

« Il n’est pas juste que, pour faire bouger la politique, on prive la population de Gaza de l’aide humanitaire. Il y a deux options : soit accorder une aide humanitaire et garder le silence, soit accorder une aide humanitaire et s’élever contre le siège de Gaza », a-t-il déclaré, en allusion à la fermeture des frontières.

« Nous devons nous assurer que la population comprend pourquoi l’aide humanitaire est versée », a poursuivi M. Bailey.

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