Santé et environnement en Indonésie

Cette notion de "conséquences sur la santé" de la pollution de l'environnement peut sembler bien loin, et pourtant, comme en Guyane avec la pollution des rivières par les orpailleurs, les déchets toxiques déversés dans les rivières ont un impact direct sur l'état de santé des habitants et cela le plus souvent dans la plus grande indifférence politique. Les contraintes économiques passant bien avant la santé...

Rappelez vous la catastrophe de Tchernobyl le 26 avril 1986, en France des scientifiques nous ont expliqué que le nuages radioactif s'était "arrêté aux frontières"…et pourtant…

Indonésie : une mine d'or pour les pollueurs ? Soupçonné de pollution, le géant aurifère américain Newmont a été acquitté par la justice de Jakarta. Par , Arnaud DUBUS QUOTIDIEN : lundi 30 avril 2007 lire l'article

Une bataille judicaire de trois ans, opposant des organisation indonésiennes de protection de l'environnement au conglomérat américai Newmont, premier producteur d'or de la planète, s'est achevée le 24 avri par une victoire du géant minier. Un tribunal de Manado, sur l'îl indonésienne de Sulawesi, a finalement acquitté Richard Ness, PDG de l filiale indonésienne de Newmont, des accusations de pollution de la baie d Buyat par les rejets d'une mine d'or exploitée par la firme jusqu'en 2004. L verdict a été accueilli par les huées de quelques centaines de militants pou la protection de l'environnement et de villageois.

Logiquement, la directio de Newmont à Denver (Colorado) s'est, elle, félicitée de l'issue de ce bras d fer, devenu un cas emblématique tant pour les industriels du secteur minie que pour les ONG environnementales. «Nous ne pouvions pas être plus contents de voir que cette affaire a été jugée sur la base des faits et des preuves présentées devant le tribunal. Quiconque a examiné les preuves avancées pendant la procédure devait attendre ce résultat», s'est réjoui Wayne Murdy, le patron de Newmont. Son collaborateur, Richard Ness, inculpé par la police indonésienne d'avoir enfreint les lois sur l'environnement, était passible de trois ans de prison.

Etranges symptômes. Le juge a estimé que les éléments apportés par l'accusation ne permettaient pas de prouver les allégations. Newmont, qui exploite une autre mine d'or et de cuivre sur l'île indonésienne de Sumbawa, avait menacé de retirer ses investissements du pays en cas de condamnation. Après le verdict, la firme a d'un seul coup annoncé qu'elle comptait accroître de 30 à 40 % la capacité d'extraction de sa mine de Sumbawa. C'est dire si le verdict du tribunal de Manado risque de ne pas enterrer la controverse. L'affaire remonte à 2004, quand un médecin constate que les habitants du village de Buyat-Plage, à quelques centaines de mètres du pipeline rejetant les déchets de la mine dans la baie, sont porteurs d'étranges symptômes. Des kystes dans l'oeil ou sous la langue, d'étranges grosseurs dans le dos et des crampes musculaires lancinantes qui empêchent toute activité. Parallèlement, les pêcheurs du village observent de régulièrement des quantités importantes de poissons morts qui flottent à la surface. Mais c'est le décès suspect d'une petite fille du village, Andini, à l'âge de cinq mois, qui éveille les inquiétudes. «J'ai immédiatement compris qu'il y avait quelque chose d'anormal», avait raconté sa mère, Masnah Stirman, à Libération lors d'une visite du village en octobre 2004. A la naissance, la peau du bébé était sèche et fripée, marquée de pustules noires. «Comme brûlée par le soleil», disait sa mère. Les soupçons se portent alors sur les rejets de déchets par Newmont, qui exploitait la mine depuis 1996. Le docteur et quatre villageois déposent une plainte contre Newmont. Mais ils la retirent en février 2005, reconnaissant n'avoir pas de preuves.

Arsenic et mercure. Entre-temps, des ONG indonésiennes de protection de l'environnement, comme Walhi et Jatam, viennent enquêter sur place. Une étude de Walhi montre que le nombre d'espèces de poissons vivant dans la baie, qui était de 59 avant l'arrivée de Newmont, se limite désormais à 13. L'organisation estime que la mine rejette près de deux tonnes d'arsenic par jour dans la baie. Des allégations démenties avec véhémence par Newmont. Richard Ness affirme, lui, que pas plus de trois grammes de mercure sont évacués quotidiennement dans la baie. «Juste de quoi remplir une bouteille pendant les neuf ans d'exploitation de la mine», assure-t-il. Des experts de l'Organisation mondiale de la santé, de l'Institut national de la maladie de Minamata et de l'Association de recherche industrielle et scientifique du Commonwealth (une organisation australienne) effectuent alors des relevés qui tendent à confirmer que les niveaux de mercure et d'arsenic dans la baie sont conformes aux normes locales et internationales. Leurs prélèvements sur les habitants n'indiquent rien d'inhabituel.

Mais en 2004 la police indonésienne entre dans le jeu et effectue, à son tour, des études. Celles-ci affirment que les habitants ont au contraire un taux d'arsenic dans le sang quatre fois supérieur au seuil maximum fixé par l'OMS, et que les eaux de Buyat sont polluées de métaux lourds au-delà des normes locales. Richard Ness, le PDG de la filiale indonésienne de Newmont, est alors inculpé de pollution illégale. Un procès pénal démarre en août 2005, lors duquel les experts des deux bords se jettent à la figure les résultats de leurs études respectives.

Même si des analyses semblent contredire celles de la police, le gouvernement indonésien intente un procès contre Newmont devant un tribunal civil, réclamant 100 millions d'euros de dommages et intérêts. Cette procédure est close, en février 2006, par un accord à l'amiable : le groupe américain accepte de verser 19 millions d'euros au gouvernement indonésien. Une somme destinée à la préservation de l'environnement et à des projets de développement. En contrepartie, Newmont fait savoir que ce paiement n'est évidemment pas l'admission de sa culpabilité.

Aussitôt, les ONG dénoncent «l'accord malfaisant». «L'argent n'est rien comparé à ce qu'ont perdu les habitants de Buyat», s'indigne Siti Maimunah, de l'ONG Jatam. «Un mauvais exemple» , lance, de son côté, l'ancien ministre indonésien de l'Environnement Sonny Keraf, pour qui l'accord va inciter les multinationales à recourir à des arrangements à l'amiable «à chaque fois qu'elles enfreignent la loi».

Coulisses. De fait, beaucoup d'investisseurs étrangers voient dans l'issue du procès pénal un élément déterminant de leur avenir dans l'archipel. Une condamnation du patron de Newmont aurait, pour eux, confirmé l'absence de partialité juridique dont l'Indonésie a souvent été accusée. Les ONG soupçonnent, elles, des négociations en coulisses. Car l'acquittement, mercredi dernier, de Newmont ne referme pas l'épineux et complexe dossier de la baie de Buyat. Le procureur a indiqué son souhait d'interjeter appel. Mais l'argument du juge sur la pauvreté des preuves, collectées au cours des trois dernières années par les accusateurs de Newmont, pourrait essouffler leur campagne contre le géant minier américain.